Repenser le temps d’écran : la technologie est-elle vraiment le problème ?

Au-delà des gros titres, découvrez ce que signifie vraiment le temps d’écran pour les élèves.

Août 28 2025 Par

Haddayr Copley-Woods

An embodied cell phone reaches for a child's heart who is running away. On the screen: WATCH ME!!! PLEASE MEEE!

Au début du mois, l’American Heart Association (AHA) a publié une étude intitulée « Le temps passé devant les écrans est associé à un risque de maladies cardiométaboliques et cardiovasculaires pendant l’enfance et l’adolescence ».

Les résultats sont alarmants : selon l’étude, chaque heure de temps passé devant un écran entraîne une hausse du risque cardiométabolique plus élevé, tant chez les enfants que chez les adolescents. Chez les personnes dont le sommeil était affecté par le temps d’écran, le risque horaire augmentait considérablement.

« Le changement par heure est minime, » a déclaré l’auteur de l’étude, le Dr David Horner, PhD, dans une publication de l’American Heart Association. « Mais quand le temps d’écran atteint trois, cinq ou même six heures par jour, comme nous l’avons vu chez de nombreux adolescents, il y a un effet de cumul. » « Si l’on multiplie ce chiffre par toute une population d’enfants, ajoute-t-il, il en résulte une évolution significative du risque cardiométabolique précoce qui pourrait se prolonger à l’âge adulte. »

Le temps d’écran : un mal ou une menace ?

Je suis un enfant des années 70, donc j’appartiens à la première génération victime des méfaits des écrans : la télévision, d’abord, qui allait « ramollir nos cerveaux », puis, dans les années 80, les jeux vidéo qui allaient « nous rendre violents ».

Ma mère était absolument inflexible sur la question : nous n’avions pas le droit de regarder la télévision. À l’exception des émissions éducatives hebdomadaires que nous regardions en famille. Nous n’avions accès qu’à des divertissements familiaux sains, comme des documentaires où des animaux s’entretuent brutalement et se dévorent vivants les uns les autres.

Après plusieurs décennies de collecte informelle de données, il est clair que mon degré de ramollissement cérébral et de tendance à la violence était assez comparable à celui de mes amis qui avaient passé des heures devant la télévision et les jeux vidéo dans les années 70 et 80.

Merci pour ce témoignage, me direz-vous. Mais quelles sont les données concrètes sur le temps d’écran ?

Si les données disent une chose, c’est que c’est très compliqué.

Les organes de presse et les grandes organisations n’aiment pas cette réponse. Elle est tiède. Elle ne permet pas de faire un gros titre impressionnant.

Dans l’article de 2018 de Behavioral Scientist intitulé « Une histoire de la panique autour des technologies de divertissement », les auteurs Christopher J. Ferguson et Cathy Faye discutent de décennies de recherche portant sur l’impact des technologies sur la population. Ils comparent notamment ces recherches aux déclarations officielles, aux recommandations et aux idées reçues concernant les médias électroniques.

Notre interprétation de ces études

Malheureusement, la presse tend souvent à simplifier les résultats, les passe sous silence ou en fait un compte-rendu déformant.

(Pour la petite histoire, une grande partie de mon travail consiste à trouver des études sur la technologie. Nombre d’organisations, à court de temps et de personnel, se contentent de copier les titres et les conclusions de l’AP ou de reprendre ceux d’autres organismes. Je remonte à la source, et le nombre d’études dont la conclusion est diamétralement opposée au message des gros titres est troublant.)

En outre, affirment C. J. Ferguson et C. Faye, des organisations supposément bien informées (comme le bureau de l’Administrateur de la santé publique des États-Unis et des groupes de médecins très respectés) émettent souvent des déclarations, des conseils et même des règles fondés sur ces simplifications excessives ou ces interprétations erronées.

Les écoles comptent-elles trop sur la technologie ?

Les parents, comme moi, sont souvent débordés et stressés. Devant les gros titres, avouons-le, il nous arrive de paniquer.

Nous surveillons le temps d’écran à la maison, ce qui est une très bonne chose, quand nous ne l’interdisons pas totalement. Certains d’entre nous demandent aux écoles de nos enfants de cesser d’utiliser des iPad ou d’autres types d’appareils en classe. Après tout, les conclusions de l’étude de l’AHA semblent sans appel.

Ce que dit l’étude

L’étude de l’American Heart Association s’appuie sur les déclarations des parents concernant « le temps passé à regarder la télévision et des films, à jouer, et à utiliser un téléphone, une tablette ou un ordinateur pour les loisirs ». Vous noterez l’absence d’informations sur le temps passé sur les écrans à l’école ; cela aurait été un cauchemar logistique, mais il n’en reste pas moins qu’une grande partie des journées des enfants n’est pas prise en compte dans l’étude.

L’étude a porté sur deux cohortes : des jeunes de 18 ans en 2000 et des enfants de 10 ans en 2010. Ajustés en fonction du sexe et de l’âge, les résultats de l’étude semblent clairs et nets : l’augmentation du temps passé devant un écran nuit à la santé cardiaque des enfants et des adolescents. Elle détaille même avec précision l’augmentation du risque cardiaque par heure d’écran, et utilise des indicateurs établis du risque cardiovasculaire pour la déterminer :

  • Tour de taille
  • Pression artérielle
  • Lipoprotéines de haute densité ou HDL (le « bon » cholestérol)
  • Triglycérides
  • Taux de sucre dans le sang

Plus d’heures = plus de risques cardiaques. Moins d’heures = moins de risques. Le manque de sommeil ne fait qu’aggraver la situation. (Ce dernier point est bien documenté un peu partout.)

Oui ou non. Noir ou blanc.

À une exception près.

Une faille dans l’étude

Bien que les chercheurs aient tenu compte du sexe, de l’âge et de la durée de sédentarité de chaque cohorte par rapport à l’autre, ils ne disposaient pas d’un groupe de contrôle qui aurait passé le même temps à être sédentaire tout en faisant autre chose : lire, par exemple, ou faire du bricolage, du tricot ou une myriade d’autres activités qui exigent également qu’une personne reste essentiellement immobile.

Et c’est un défaut majeur.

S’il y a une chose que nous avons parfaitement comprise concernant le fonctionnement de notre organisme, c’est bien que le manque de mouvement peut causer toutes sortes de problèmes de santé avec l’âge, et qu’il affecte le cœur, les articulations, la tension artérielle et le niveau de HDL.

Mais en l’absence d’un groupe contrôle composé d’élèves qui seraient restés sédentaires pendant une durée comparable, il est très difficile d’établir une liaison entre les écrans et le problème, plutôt qu’entre l’immobilité et les écrans.

Avant de blâmer les écrans dans les écoles, nous devons donc nous souvenir d’une chose : la plupart des élèves doivent déjà rester immobiles pendant de très nombreuses heures lorsqu’ils sont à l’école.

Temps sédentaire à l’école, indépendamment des appareils

Des études ont montré qu’aux États-Unis, les élèves de primaire et de secondaire passent environ 63 % de leur temps à l’école à être sédentaires.

Une revue mondiale d’études du même type a révélé que, dans le monde entier, les élèves sont sédentaires pendant la majeure partie du temps scolaire, qui représente souvent la plus grande part de leur journée.

Quelle est la différence entre temps d’écran actif et temps d’écran passif ?

Le problème ne réside pas nécessairement dans les écrans eux-mêmes. Il se situe peut-être davantage dans ce que les jeunes font sur ces appareils. Sont-ils en train d’apprendre des choses passionnantes ? Peuvent-ils partager facilement leur travail avec leurs camarades et explorer en groupe des sujets qui les intéressent ?

Et la réponse à ces questions pourrait en grande partie dépendre du lieu où ils utilisent ces appareils. Est-ce qu’ils se déplacent dans la salle de classe lorsqu’ils les utilisent ? Est-ce qu’ils sortent avec pour un cours improvisé en plein air ? Est-ce qu’ils les utilisent pour interagir avec des outils d’apprentissage interactifs ?

Quels sont les avantages d’un temps d’écran éducatif ?

Si nous voulons que nos enfants soient en meilleure santé, il serait peut-être plus judicieux de s’attaquer au problème de la sédentarité.

La plupart des écoles dans le monde imposent aux élèves de passer la majorité de leur temps assis, mais plusieurs approches pédagogiques permettent d’augmenter la part de mouvement.

Et beaucoup s’appuient sur une utilisation constructive de la technologie.

Apprentissage actif fondé sur la technologie (TEAL)

Créées au MIT pour les étudiants universitaires pour mettre en œuvre un apprentissage centré sur l’élève et adaptées pour les établissements primaires et secondaires, les classes TEAL présentent les caractéristiques suivantes :

  • Un apprentissage collaboratif en petits groupes à différents endroits de la salle de classe
  • Des visualisations et des simulations multimédias pour aider les étudiants à mieux comprendre les concepts des STIM et à interagir avec eux
  • Des systèmes de réponse personnalisés qui permettent aux étudiants de communiquer plus étroitement avec les enseignants et les formateurs

Lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre, les salles de classe TEAL impliquent un mouvement constant : les étudiants interagissent avec le matériel et les concepts, se déplacent d’un point de la salle de classe à un autre et vivent une expérience d’apprentissage véritablement immersive.

L'apprentissage centré sur l'élève

L’apprentissage centré sur l’élève est une méthode qui autorise les élèves à prendre des décisions sur le contenu de l’apprentissage et les modalités d’acquisition.

  • Elle encourage le mouvement physique de plusieurs manières :
  • Apprentissage par projet : les élèves apprennent par la pratique
  • Apprentissage basé sur l’investigation : ils explorent différentes approches pour trouver la réponse à la question qui les intéresse
  • Apprentissage collaboratif : ils travaillent en groupe, ce qui favorise l’engagement et la compréhension

Il est tout à fait possible d’adopter l’apprentissage centré sur l’élève sans utiliser d’écran. Mais il est beaucoup plus facile à mettre en œuvre avec un accès permanent à Internet, aux catalogues des bibliothèques et aux supports de cours.

Modèles d’apprentissage par l’expérience

Cette philosophie d’enseignement immerge les étudiants directement dans le monde du travail ou dans d’autres activités pratiques, avant de les inviter à une réflexion ciblée. Cette approche a pour but d’aider les élèves à comprendre et apprendre les contenus, mais aussi leur relation aux contenus.

Elle peut prendre la forme de visites de lieux de travail ou de sorties en extérieur, d’activités pratiques avec des enseignants en environnement, ou de pratiques pédagogiques basées sur l’exploration d’un lieu ou des expéditions.

On pourrait penser que ce type de modèle d’apprentissage serait antinomique avec du temps d’écran.

Pourtant, c’est loin d’être le cas.

Les technologies scolaires qui intègrent l’enseignement musical, la robotique et la recherche dans ce modèle axé sur la pratique s’avèrent souvent plus performantes. S’ils disposent d’un accès électronique aux ressources scolaires et à des outils d’écriture et de recherche, les élèves peuvent entamer une phase de réflexion sur place, au moment où ils sont encore pleinement concentrés sur l’expérience.

La véritable menace pour la santé de nos enfants : la sédentarité.

Si vous vous inquiétez du temps que vos enfants passent devant un écran à l’école, je vous encourage à vous concentrer sur le mouvement. Visitez la salle de classe, posez des questions sur la manière dont les enseignants utilisent la technologie en classe et en dehors, et observez les déplacements des élèves en classe, indépendamment du temps passé devant l’écran.

J’encourage également les parents comme moi à consulter les sources et à lire les études pour les interpréter dans le contexte d’autres études sur le sujet. Examinez attentivement la méthodologie des études. Recherchez les lacunes et les idées reçues dont les chercheurs n’auront peut-être pas eu conscience.

Nous voulons tous des enfants brillants, épanouis et en bonne santé.

Cela ne veut pas dire que les auteurs de ces études et les chercheurs qui se penchent sur ces questions sont négligents ou mal intentionnés. Concernant cette étude en particulier, je ne sais pas où l’on aurait pu trouver un groupe témoin de jeunes ayant un temps de sédentarité comparable à celui des deux cohortes et n’utilisant pas d’écran. Et la plupart de ces recherches sont nécessaires et importantes.

Les chercheurs qui étudient ces questions veulent le bien des enfants.

Une grande part des conclusions de l’étude est utile et on peut les appliquer immédiatement : quelle que soit la raison de la sédentarité des enfants, limiter le temps d’écran à la maison est probablement une bonne idée, ne serait-ce que pour réduire le temps d’immobilité et limiter les effets néfastes sur le sommeil.

Mais je dis aussi qu’il ne faut pas s’arrêter aux gros titres. Demandez à vos enfants ce qu’ils font à la maison et à l’école. Lisez les études.

C’est en comprenant les phénomènes qu’on peut améliorer les choses.